El Meghaïer a un double visage. Celui qu'elle expose aux visiteurs de passage et celui qu'elle laisse découvrir aux curieux. Le premier n'a rien d'intéressant. Le second est des plus séduisants.
A première vue, la nouvelle ville d'El Meghaïer n'a rien d'attrayant. Surtout quand on la visite pour la première fois. C'est son visage urbain qui fait face en premier lieu. Un visage disproportionné où l'harmonie n'a pas encore de place en dépit des efforts fournis pour faire d'El Meghaïer une wilaya et un chef-lieu digne de ce nom.
Les palmeraies dont certaines remontent à plusieurs siècles. C'est à proximité des palmiers que la ville coloniale d'El Meghaïer s'est implantée. Les banques et les postes, de l'époque coloniale, sont debout, exposant aux regards leurs multiples facettes architecturales tout en courbes, avec des coupoles. Des sites qu'on peut transformer en sites touristiques. L'ancien château d'eau en argile, en dépit de son vieil âge, est toujours opérationnel. C'est l'infrastructure la mieux conservée de l'ancienne ville d'El Meghaïer. Plus on avance vers les palmeraies, plus la végétation se fait verte. Un vrai paradis ! Des vestiges de vieilles habitations perdurent, fissurées certes, mais dégageant un charme. Personne ne semble savoir à quelle période remonte ces habitations. De même que la «mosquée verte», construite au 19e siècle, dont la surface est intacte, mais la structure intérieure en lambeaux.
Au bord de l'ancienne route qui conduit vers le lac salé de Chott Merouane, une source chaude coule, dégageant de la vapeur. Elle est très chaude, riche en minéraux et en bienfaits. «Une station thermale dans la région sera la bienvenue pour les habitants ainsi que pour les visiteurs. Sa température est idéale pour une baignade. Nous avons un petit hammam dans la région qui exploite cette eau, mais il manque toutes les commodités», indique un habitant.
Les investisseurs dans le secteur hôtelier seront les bienvenus. C'est dans la commune de Djemaâ, la seule dotée d'un hôtel, où la plupart des sites touristiques historiques sont enracinés. La daïra d'El Meghaïer est connue pour ses zones humides. Parmi les sites historiques, la cité berbère Oughlana. Un ksar immense construit au 15e siècle. Un chef d'œuvre architectural dont des habitations sont bien conservées. Le ksar Timarna, berbère aussi, vaut le détour. Ces sites sont de véritables filons d'or qui nécessitent juste de l'entretien et une promotion pour en faire des joyaux touristiques. ( Farida Belkhiri).
Tourisme à El Meghaïer : Un blason à redorer
La wilaya d'El Meghaïer n'est pas qu'une zone agricole. C'est aussi une région à grandes potentialités touristiques. D'un point de vue touristique, la wilaya d'El Meghaïer ne fait pas le poids par rapport à ses voisines, Biskra et El Oued. Pas en potentialités, mais en promotion et commercialisation. Outre les palmeraies, immenses où le tourisme vert a toutes les chances, la wilaya abrite l'un des lacs salés les plus importants en Afrique. Ils subsistent aussi des restes des vieux ksour édifiés par des populations berbères. Des vestiges qui n'ont pas bénéficié d'opérations de fouilles archéologiques ou de recherches historiques. Selon Soumia Bendebka, il est difficile de trouver des données sur les origines et l'histoire de cette région. «Nous ne disposons pas par exemple d'études de recherche sur l'architecture des ksour, très inspirée de ceux d'El Oued. El Meghaïer ne dispose que d'un seul hôtel, un trois-étoiles, situé en dehors du chef-lieu de la wilaya.
Hôtel la Rose d'or : Un bel édifice, mais…
Avec une capacité de 120 lits (39 chambres et 28 bungalows), la Rose d'or est l'unique hôtel que compte la wilaya. Il est doté d'une grande piscine et d'autres infrastructures de loisirs. Comme il a été inauguré en pleine pandémie sanitaire, son ouverture officielle est passée inaperçue. Situé dans la daïra d'El Djamaâ, à 50 km du chef-lieu de la wilaya, cet hôtel est un joyau architectural. Facile d'accès, il est édifié au cœur de la daïra, à proximité des marchés, des commerces et du grand parc qui sert de gare routière. Mais en matière de services et de prestations, beaucoup d'efforts sont à fournir, en matière de restauration et de connexion internet. (F. B)
Oughlana : Une énigme à percer
Les recherches sur ksar Oughlana sont si rares, inexistantes pratiquement, qu'il est considéré comme une énigme par les habitants.Il est très facile pour les visiteurs du vieux ksar Oughlana d'imaginer les anciens habitants déambuler dans ses rues. Âgée de plus de sept siècles, la vieille cité berbère n'a pas perdu de son aura d'antan. Impressionnante par sa structure architecturale, sa position stratégique au centre d'une immense palmeraie, au sommet d'une petite colline, elle frappe le regard par son air digne en dépit des profondes fissures sur ses murs et l'affaissement de ses habitations. Ses couloirs nombreux et calfeutrés, conçus en arcades, mènent tous vers une grande placette. Là où la mosquée de la cité est édifiée, préservée, grâce à des opérations de réhabilitation et de restauration.
Cette mosquée est toujours utilisée comme salle de prière par les habitants de la région. Son toit est surmonté de plusieurs coupoles, rappelant l'architecture par laquelle se distingue la wilaya d'El Oued. La date de la construction de cette ville est méconnue. «Tout ce qu'on sait, c'est que cette cité est l'une des plus anciennes d'Oued Righ, remontant probablement au 15e siècle.
C'est l'une des premières villes construites par les berbères àEl Djamaâ. Construites avec les matériaux locaux, à savoir l'argile, les pierres et surtout "tibchent". Un mélange de pierres, d'argile et de plantes qui faisait office de ciment». Les pierres si bien entreposées, alignées au centimètre, reflètent le génie architectural de l'époque. Les passages, en demi-cercle, sont si bien ajustés qu'on les croirait tracés à l'aide d'une règle. «La forme des arcades est inspirée de la bosse des dromadaires. C'est dire que l'architecture est typiquement saharienne».
Oughlana est dotée de trois entrées principales. Les allées et les galeries sont nombreuses et se déploient comme des labyrinthes. Le ksar est bâti comme un noyau. Mais des petits passages sont ouverts afin de laisser passer la lumière. Ceux qui n'habitent pas le ksar se perdent facilement. Il est conçu de sorte que les entrées de la ville donnent sur la grande placette et sur la mosquée.
Structure imposante
Comme partout dans la région d'El Meghaïer, l'eau n'a jamais posé problème. Mais en plus de sources souterraines utilisées comme eau potable et pour l'irrigation, le ksar jouit, en plus, d'une eau souterraine chaude naturelle et riche en minéraux. «Même aujourd'hui, l'eau chaude coule de nos robinets. Ce qu'il appelle «el khabia» (la cache) est un lieu pour conserver les dattes. Elle fait office de chambre noire où la lumière est exclue pour ne pas endommager les dattes. Dans un grand récipient en argile, les dattes y sont conservées, entassées les unes sur les autres. Son miel passait par un trou, incrusté au bas du récipient. Le miel est gardé dans un autre récipient en argile. Toutes les parties du ksar donnent sur la palmeraie toujours productive. Elle cache sous ses grandes feuilles un petit lac «Lala Zahra» source de plusieurs légendes. Sidi Mahdjoub, le saint le plus connu de la région. Sa tombe, à peine couverte, est au centre d'une petite chambre dont les murs sont couverts de formules mystérieuses. Après une visite du ksar, qui peut prendre toute une journée, il est très agréable de l'achever en se prélassant un petit moment au bord du lac «Lala Zahra».(F. B).
Ksar Timerna : Une restauration inappropriée
Le ksar Timerna, dont la fondation remonte également au 15e siècle, construit à partir de 1498, n'est pas aussi vaste que celui d'Oughlana. Situé la daïra de Djamaâ, il a bénéficié d'une opération de restauration qui a touché la mosquée, des quartiers et quelques habitations. Alors que l'ancien ksar est couvert d'argile, les parties restaurées sont habillées de plâtre. Le contraste est si saisissant qu'on croirait qu'il s'agit de deux ksars différents. Ce dernier occupe également le sommet d'une collines. Mais il est encerclé d'habitations modernes. Le tissu urbain étouffe cette cité, de plus en plus «grignotée» par la nouvelle ville. Les ruines n'ont pas complètement défiguré le site et grâce à sa constitution architecturale, toujours imposante, on peut dire que le ksar a encore de belles années devant lui. Cependant, le point noir de ce site, classé patrimoine protégé, est la mosquée qui a perdu tout son charme à cause d'une restauration inappropriée. Couverte de plâtre, elle donne l'impression d'être une structure récemment construite. A l'intérieur, c'est le grand choc ! De la faïence couvre le sol. Un matériau de construction qui n'a pas sa place dans ce type de constructions. Le toit de cette mosquée, soulevé d'une coupole, est le seul espace qui n'a pas été touchée, gardant ainsi son charme d'antan.(F. B).
La mosquée verte : Joyau délaissé
En matière de sites touristiques à El Meghaïer, la mosquée verte sort du lot. Une pièce unique. Une œuvre architecturale très singulière, laissée pourtant à l'abandon. Située dans la commune d'El Meghaïer, elle voit le jour au début du 19e siècle, adossée à une zaouïa, à l'initiative de l'un des savants de la région. Son architecture est un mélange de style maghrébin, islamique et saharien. C'est un produit de matériaux de construction locaux, mélange de pierres, de bois, d'acier et de gypse. L'architecte de cette œuvre s'est inspiré des mosquées des vieux ksars, leur empruntant coupole et arcades. Le lieu saint est isolé. Aucune chance pour que les visiteurs tombent dessus par hasard ! Au bout d'une cour immense, il se dresse majestueusement. Soulevée au-dessus d'un minaret et d'une coupole, percée par des petites fenêtres, pour faire passer la lumière. Elle n'a jamais bénéficié d'une opération de réhabilitation, elle est restée telle qu'elle a été conçue. L'entrée étroite, n'a pas changé. Mais on est surpris que derrière cette façade, tout est en ruine. Quelques arcades subsistent cependant, conçues avec adresse en demi-cercle. Aucune information sur l'origine de l'appellation, «mosquée verte», n'est disponible.(F. B).
Chott Merouane : Une mer dans un lac
Immense, le lac Chott Merouane. Il est sans vagues, mais provoque pratiquement les mêmes sensations que la mer, avec des senteurs salées. Alimenté par trois sources principales, des eaux souterraines et des eaux de pluie notamment, le lac ne semble pas avoir de fin. Aussi loin où porte le regard, c'est l'étendue grise. A ses bords, du sel partout. Des tonnes de sel sont amassées comme des pyramides ici et là. Dans certains endroits, plus dégagés, le sel est mélangé au sable, constituant une sorte de plage couleur blanc sale. Un lieu privilégié pour la reproduction et l'alimentation des oiseaux migrateurs, nombreux dans cette région. Les habitants peuvent exploiter le sel rejeté aux abords du lac. Mais pas celui extrait par l'Entreprise nationale des sels de Merouane. Bien que l'endroit soit très attrayant, il est peu probable que des projets touristiques aient leur place. En plus de l'emplacement qui n'est pas favorable en raison de la proximité de l'usine, le vrombissement des machines est assourdissant, dominant le bruit du vent qui souffle très fort.
Le lac El Ayata, nid d'oiseaux
Il existe, toutefois, selon le vice-président de l'APC d'El-Meghaïer, AbdelmadjifChetti, une partie qui donne sur le lac pouvant accueillir des projets touristiques. Le lac a tout pour plaire aux touristes ou aux visiteurs de passage. Il est situé à 41 mètres au-dessous du niveau de la mer, faisant de lui la plus basse altitude du Nord de l'Afrique. Classé parmi les zones humides d'importance internationale sur la liste Ramsar, ce lac s'étend jusqu'en Tunisie, et qui, avec l'ensemble des chotts de cette dernière, constitue la plus grande dépression fermée en Afrique du Nord.
La wilaya compte une autre zone humide, à Sidi Amrane, commune de la daïra d'El Djamaâ. Le lac El Ayata a une superficie de 50 hectares et une profondeur de 10 centimètres à 1 mètre. Il accueille, chaque année, plusieurs espèces d'oiseaux dont les flamants roses. Une étendue limpide dans une région semi-aride, toute proche, en plus, de la RN3. Sur sa partie sud-est, une oasis à perte de vue tandis que sa partie sud-ouest donne sur des villages. . «C'est l'un des endroits les plus beaux de la région. A une certaine époque de l'année, il est surpeuplé d'oiseaux migrateurs qui s'y installent tout autour avant de changer de destination», rapportent les habitants. Certaines espèces d'oiseaux migrateurs y ont déjà établi leurs nids. Le son des oiseaux, leur gazouillis, le clapotis de l'eau résonnent comme une symphonie. Un cadeau de la nature pour égayer les jours et les nuits du désert.(F. B)
Hicham Houidi, directeur du tourisme : «La région aura bientôt son guide touristique»
D'un point de vue touristique, El-Meghaïer est méconnue. Ce ne sont pas les sites touristiques qui manquent pourtant…
En effet. Ces sites sont en plus grandioses. Les zones humides Chott Merouane et Oued Khrouf, notamment, sont classés sites d'importance internationale sur la liste de la convention Ramsar. Le lac Ayata est également classé au niveau national. La wilaya compte aussi des vieux ksour, à l'instar de Timarna, classé site protégé par le ministère de la Culture. Il a bénéficié d'une opération de restauration dont la première partie est achevée, tandis que la seconde est en cours d'étude. Sans oublier la cité berbère Oughlana, qui est en cours de classement comme patrimoine à préserver. La Mosquée verte est aussi un monument unique en son genre.
Mais la wilaya compte bien faire connaître cette région sur le plan touristique…
Notre direction est, certes, une institution récente dans cette région, mais nous avons déjà élaboré un plan d'action. Notre premier souci, c'est de renforcer la wilaya en la matière dans la commune d'El Djamaâ dont les capacités ne dépassent pas les 120 lits. Cette commune dispose aussi d'une auberge de 50 lits et d'un camping de 250 lits. Il est inconcevable, pour un chef-lieu de wilaya, El-Meghaïer en l'occurrence, de ne disposer ni d'hôtel ni même d'une auberge. Nous avons donc fixé comme priorité la construction d'un hôtel dans la daïra d'El-Meghaïer en invitant et en encourageant les investisseurs privés à se lancer dans ce créneau. Nous avons pu attirer un investisseur qui a déjà entamé la construction d'un hôtel à El-Meghaïer d'une capacité de 216 lits et dont les travaux sont réalisés à 50%.
Qu'en est-il de la promotion des sites touristiques, des zones humides ?
Nous avons lancé le projet d'un guide sur les potentialités touristiques d'El-Meghaïer. Il est en cours de préparation et renferme tous les sites touristiques de la région. Le guide, une fois prêt, sera distribué au niveau des 57 wilayas et des agences de voyages publiques et privées afin de faire connaître nos sites et les inciter à les intégrer dans leurs circuits touristiques. Une version virtuelle de ce guide sera disponible également sur la plateforme numérique.(réalisé par Farida B - Horizons - mars 2022).
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