Quel étrange régime que cette dictature sans dictateur ! En Algérie, pas
de Bachar Al-Assad, ni d’Abdel Fattah Al-Sissi qui incarnerait aux yeux
du monde la cruauté d’un pouvoir sans partage. Abdelaziz Bouteflika,
lui, ne fait peur à personne. Nul n’ignore qu’il n’est un problème qu’en
apparence.
Comme tous les soulèvements populaires, le mouvement qui, en quelques
jours, a gagné le pays, d’est en ouest et du nord au sud, est parti d’un
prétexte. Ce qui a mis le peuple dans la rue, c’est l’absurde
prétention du régime à entretenir pour cinq ans encore la fiction
Bouteflika. Voilà le point de départ. Nul ne peut prédire jusqu’où la
révolte ira. C’est le système qui est visé. Une pieuvre qui vampirise le pays,
accapare les dizaines de milliards de dollars, fruit des exportations
d’hydrocarbures. Ce qu’on appelle « la rente ». D’énormes profits, au
défi d’une population jeune plongée dans le chômage et la misère. Mais
les profiteurs ne sont pas seulement des affairistes algériens. Des
multinationales, et avec elles des capitales étrangères, ont tout
intérêt à la préservation du système.
Dans la rue, une jeunesse pacifique, née à la fin des années 1990, et
qui rêve de justice sociale et de démocratie. En face, au pouvoir, ou
dans l’ombre du pouvoir, une caste militaro-financière d’un autre âge,
qui a appris la ruse et la violence à la double école de l’armée
coloniale française et du KGB, où les plus anciens officiers ont fait
leurs classes. Un savoir que ces militaires et cette police – les «
services », comme on dit en Algérie – ont mis en œuvre pendant la « sale
guerre » des années 1990, lorsqu’après avoir brutalement interrompu le
processus électoral avec leurs chars, ils ont imputé aux islamistes des
massacres qu’ils ont très souvent commis eux-mêmes.
Le régime est capable de la violence de la bête blessée. Ce n’est
pas son premier choix, mais c’est une option toujours possible si le
sacrifice probable de Bouteflika ne suffisait pas à disperser un peuple
en colère. L’actuel mouvement a une force. Il vient du fond du peuple,
via les réseaux sociaux. Comme en 2011 en Égypte, mais plus massif
encore, et étendu à toutes les villes. Il a une faiblesse : l’absence
d’opposition démocratique qui puisse rapidement relayer la mobilisation.
Le régime a anéanti toutes les oppositions véritables.
En 1988 l’Algérie a inauguré (en octobre) les « printemps arabes »,
avant le coup de force de janvier 1992. Ce serait une belle leçon que ce
pays achève le travail démocratique et fasse la démonstration que le
monde arabe peut échapper à la froide alternative entre islamisme et
dictature militaire.
Voyager et visiter toute l'Algérie. De Maghnia à Annaba. De Bejaia à Djelfa.D'Alger à Tamamrasset .
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